Les sensations
Fluidité de l'impression ou non,
Gradation des plaisirs et des douleurs,
L'oeil,
Les corps composés,
Poumon, olfaction, brulures, coupures,
La langue, les saveurs,
Chimie buccale,
L'odorat,
L'ouie,
Colorimétrie lacrymale,

En ce qui concerne les impressions communes à tout le corps, il nous reste à voir, et c’est le point le plus important, la cause des plaisirs et des douleurs attachés aux affections des sens que nous avons passées en revue,
et toutes les impressions qui, traversant les parties du corps, arrivent jusqu’à la sensation, portant en elles à la fois des peines et des plaisirs inhérents à cette sensation.

Fluidité de l'impression ou non

Mais pour saisir les causes de toute impression, sensible ou non, il faut commencer par nous rappeler la distinction que nous avons faite précédemment entre la nature facile à mouvoir et celle qui se meut difficilement ; car c’est par cette voie qu’il faut poursuivre tout ce que nous voulons saisir.

Lorsqu’un organe naturellement facile à mouvoir vient à recevoir une impression, même légère, il la transmet tout autour de lui, chaque partie la passant identiquement à l’autre, jusqu’à ce qu’elle arrive à la conscience et lui annonce la qualité de l’agent.

Mais si l’organe est de nature contraire, s’il est stable et ne produit aucune transmission circulaire, il subit simplement l’impression, sans mettre aucune partie voisine en mouvement. Il en résulte que, les parties ne se transmettant pas les unes aux autres l’impression première, qui reste en elles sans passer dans l’animal entier, le sujet n’en a pas la sensation. p141


C’est ce qui arrive pour les os, les cheveux et toutes les autres parties qui sont principalement composées de terre,
tandis que les phénomènes dont nous avons parlé d’abord ont lieu surtout pour la vue et l’ouïe, parce que le feu et l’air ont ici une importance capitale.

 

Gradation des Plaisirs et des douleurs,

Quant au plaisir et à la douleur, voici l’idée qu’il en faut prendre :

toute impression contre nature et violente qui se produit tout d’un coup est douloureuse,

tandis que le retour subit à l’état normal est agréable.

Toute impression douce et graduelle est insensible, et l’impression contraire a des effets contraires.

L’impression qui se produit avec aisance est sensible au plus haut degré, mais ne comporte ni douleur ni plaisir.

L'oeil

Telles sont les impressions qui se rapportent au rayon visuel lui-même, qui, nous l’avons dit plus haut, forme pendant le jour un corps intimement uni au nôtre.

Ni coupures, ni brûlures, ni aucune autre affection ne lui font éprouver aucune douleur, et il ne ressent pas non plus de plaisir en revenant à sa forme primitive, bien qu’il nous donne des perceptions très vives et très claires,
selon les impressions qu’il subit et les corps qu’il peut rencontrer et toucher lui-même.

C’est qu’il n’y a pas du tout de violence dans sa division ni dans sa concentration.

Les corps composés

Au contraire, les corps composés de plus grosses parties, cédant avec peine à l’agent qui agit sur eux et transmettant l’impulsion reçue à l’animal tout entier, déterminent des plaisirs et des peines, des peines quand ils éprouvent une altération, des plaisirs quand ils reviennent à leur état normal. p142

 

Poumon, olfaction; brulures, coupures

Tous les organes qui perdent de leur substance et se vident graduellement, mais qui se remplissent tout d’un coup et abondamment, sont insensibles à l’évacuation, mais deviennent sensibles à la réplétion ; aussi ne causent-ils point de douleurs à la partie mortelle de l’âme, mais ils lui procurent de grands plaisirs. C’est ce qui paraît manifestement à propos des bonnes odeurs.

Mais quand les organes s’altèrent tout d’un coup et reviennent à leur premier état petit à petit et avec peine, ils donnent toujours des impressions contraires aux précédentes, comme on peut le voir dans les brûlures et les coupures du corps.


Nous avons à peu près expliqué les affections communes à tout le corps et les noms qui ont été donnés aux agents qui les produisent.

 

La langue, les saveurs,

Il faut essayer maintenant d’expliquer, si tant est que nous en soyons capables, les affections qui se produisent dans les parties spéciales de notre corps et aussi les causes qui les font naître.
Il faut en premier lieu mettre en lumière du mieux que nous pourrons ce que nous avons omis ci-dessus en parlant des saveurs, à savoir les impressions propres à la langue.p143

Or ces impressions, comme la plupart des autres, paraissent résulter de certaines contractions et de certaines divisions, mais aussi dépendre plus que les autres des qualités rugueuses ou lisses du corps.

En effet, toutes les fois que des particules terreuses, entrant dans les petites veines qui s’étendent jusqu’au coeur et qui servent à la langue pour apprécier les saveurs, viennent en contact avec les portions humides et molles de la chair, et s’y liquéfient, elles contractent les petites veines et les dessèchent, et nous paraissent âpres, si elles sont plus rugueuses, aigres, si elles le sont moins.

Chimie buccale

Les substances qui rincent ces petites veines et nettoient toute la région de la langue, quand leur effet est trop actif et qu’elles attaquent la langue au point d’en dissoudre une partie, comme le fait le nitre, toutes ces substances sont alors appelées piquantes. Mais celles dont l’action est plus faible que celle du nitre et qui sont modérément détergentes sont salées sans être piquantes ni rugueuses et nous paraissent plus amies.p144


Celles qui, absorbant la chaleur de la bouche et lissées par elle, y deviennent brûlantes et brûlent à leur tour l’organe qui les a échauffées, se portent en haut, en vertu de leur légèreté, vers les sens de la tête, coupent tout ce qu’elles rencontrent, et ces propriétés ont fait appeler âcres toutes les substances de cette sorte.


Il arrive aussi que les particules amincies par la putréfaction et pénétrant dans les veines étroites y rencontrent des parties de terre et d’air d’une grosseur proportionnée à la leur et qu’en les poussant les unes autour des autres, elles les mélangent, puis que ces parties mélangées se heurtent et, se glissant les unes dans les autres, produisent des creux, en s’étendant autour des particules qui y pénètrent.
Alors un liquide creux, tantôt terreux, tantôt pur, s’étendant autour de l’air, il se forme des vaisseaux humides d’air et des masses liquides creuses et sphériques ; les unes, composées d’eau pure et formant un enclos transparent, sont appelées bulles ; les autres, composées d’une humidité terreuse qui s’agite et s’élève, sont désignées sous le nom d’ébullition et de fermentation, et l’on appelle acide ce qui produit ces phénomènes.

Une affection contraire à toutes celles qui viennent d’être décrites est produite par une cause contraire. p145

Lorsque la structure des particules qui entrent dans les liquides est naturellement conforme à l’état de la langue, elles oignent et lissent ses aspérités, elles contractent ou relâchent les parties anormalement dilatées ou resserrées et rétablissent toutes choses, autant que possible, dans leur état normal. Ce remède des affections violentes, toujours agréable et bienvenu, est ce qu’on appelle le doux. C’est ainsi que nous expliquons ces sensations.

 

L'Odorat

En ce qui regarde la propriété des narines, il n’y a pas d’espèces définies.
Une odeur, en effet, n’est jamais qu’une chose à demi formée, et aucun type de figure n’a les proportions nécessaires pour avoir une odeur.
Les veines qui servent à l’odorat ont une structure trop étroite pour les espèces de terre et d’eau, trop large pour celles de feu et d’air.
Aussi personne n’a jamais perçu l’odeur d’aucun de ces corps ; les odeurs ne naissent que des substances en train de se mouiller, de se putréfier, de se liquéfier ou de s’évaporer.

C’est quand l’eau se change en air et l’air en eau que l’odeur se produit dans le milieu de ces changements, et toute odeur est fumée ou brouillard, quand l’air est en train de se transformer en eau, fumée, quand c’est l’eau qui se change en air.

De là vient que toutes les odeurs sont plus fines que l’eau et plus épaisses que l’air. On se rend bien compte de leur nature quand, le passage de la respiration se trouvant obstrué, on aspire le souffle de force ; en ce cas, aucune odeur ne filtre, et le souffle vient seul dénué de toute odeur. p14 6

En conséquence, les variétés d’odeurs se répartissent en deux types qui n’ont pas de noms, parce qu’elles dérivent de formes qui ne sont ni nombreuses ni simples. La seule distinction nette qui soit entre elles est celle du plaisir et de la peine qu’elles causent : l’une irrite et violente toute la cavité qui est en nous entre le sommet de la tête et le nombril ; l’autre lénifie cette même cavité et la ramène agréablement à son état naturel.

L'ouie

Nous avons à considérer maintenant le troisième organe de sensation qui est en nous et à expliquer les raisons de ses affections. D’une manière générale, nous pouvons définir le son comme un coup donné par l’air à travers les oreilles au cerveau et au sang et arrivant jusqu’à l’âme.

Le mouvement qui s’ensuit, lequel commence à la tête et se termine dans la région du foie, est l’ouïe. Ce mouvement est-il rapide, le son est aigu ; s’il est plus lent, le son est plus grave ; s’il est uniforme, le son est égal et doux ; il est rude dans le cas contraire1 ; il est fort grand, lorsque le mouvement est grand, et faible, s’il est petit.
Quant à l’accord des sons entre eux, c’est une question qu’il nous faudra traiter plus tard. p147

 

Colorimétrie lacrymale

Il reste encore une quatrième espèce de sensations qui se produisent en nous et qu’il faut diviser, parce qu’elle embrasse de nombreuses variétés, que nous appelons du nom général de couleurs.
(voir Phédon , sur les couleur pures)

C’est une flamme qui s’échappe des différents corps et dont les parties sont proportionnées à la vue de manière à produire une sensation.

Nous avons expliqué précédemment les causes et l’origine de la vision. Maintenant il est naturel et convenable de donner une explication raisonnable des couleurs.

Parmi les particules qui se détachent des autres corps et qui viennent frapper la vue, les unes sont plus petites, les autres plus grandes que celles du rayon visuel lui-même, et les autres de même dimension.

Ces dernières ne produisent pas de sensation : ce sont celles que nous appelons transparentes.
Les plus grandes et les plus petites, dont les unes contractent et les autres dilatent le rayon visuel, sont analogues aux particules chaudes et froides qui affectent la chair et aux particules astringentes qui affectent la langue et aux particules brûlantes que nous avons appelées piquantes. p148

 

Ce sont les particules blanches et noires, dont l’action est identique à celle du froid et du chaud, mais dans un genre différent, et qui pour ces raisons se montrent sous un aspect différent.

En conséquence, voici les noms qu’il faut leur donner :

celui de blanc à ce qui dilate le rayon visuel,
celui de noir à ce qui produit l’effet contraire.

Lorsqu’une autre sorte de feu qui se meut plus rapidement heurte le rayon visuel et le dilate jusqu’aux yeux, dont il divise violemment et dissout les ouvertures, et en fait couler tout d’un coup du feu et de l’eau que nous appelons larme ;
lorsque ce mouvement qui est lui-même du feu s’avance à leur rencontre, et que le feu jaillit au-dehors comme d’un éclair, tandis que l’autre feu entre et s’éteint dans l’humidité, alors des couleurs de toute sorte naissent dans le mélange.

Nous appelons éblouissement l’impression éprouvée et nous donnons à ce qui la produit le nom de brillant et d’éclatant.

Il y a aussi la variété de feu intermédiaire entre ces deux-là ; elle arrive jusqu’à l’humidité des yeux et s’y mêle, mais n’a point d’éclat.

Le rayonnement du feu au travers de l’humidité à laquelle il se mêle produit une couleur de sang, que nous appelons rouge. Le brillant, mêlé au rouge et au blanc, devient jaune.

Quant à la proportion de ces mélanges, la connût-on, il ne serait pas sage de la dire, puisqu’on n’en saurait donner la raison nécessaire ni la raison probable d’une manière satisfaisante.p149

 

Le rouge mélangé au noir et au blanc produit le pourpre, et le violet foncé, quand ces couleurs mélangées sont plus complètement brûlées et qu’on y mêle du noir.

Le roux naît du mélange du jaune et du gris,
le gris du mélange du blanc et du noir,
et l’ocre du mélange du blanc avec le jaune.

Le blanc uni au jaune et tombant dans du noir saturé donne une couleur
bleu foncé
; le bleu foncé mêlé au blanc donne le pers, et le roux mêlé au noir, le vert.

Quant aux autres couleurs, ces exemples font assez bien voir par quels mélanges on devrait en expliquer la reproduction pour garder la vraisemblance. Mais tenter de soumettre ces faits à l’épreuve de l’expérience serait méconnaître la différence de la nature humaine et de la nature divine.


(Pour des raison de lecture et de cohérence des paragraphes
la numérotation de références des pages n'est pas à la ligne près/ à l'original !
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